table-ronde

« L'allongement de la garantie légale sur les biens de consommation » 

1er février 2024

11h30-13h00

FTX 202 + Zoom (lien)

Lien vers l'inscription (choix en présentiel ou à distance)

Troisième table-ronde de la série « Repenser les liens juridiques d'une société en transition »

Razmig Keucheyan, professeur de sociologie à l'Université Paris Cité

Amélie Côté, analyse en réduction à la source chez Équiterre

Gabriel-Arnaud Berthold, professeur de droit de la consommation au département des sciences juridiques de l'UQÀM

Modérateur : Vincent Caron, professeur de droit des obligations à la Section de droit civil de l'Université d'Ottawa

Informations

Cette table-ronde discutera de différentes propositions visant à accroître considérablement la durée des biens de consommation offerts sur le marché. Seront abordées la revendication de certaines associations françaises de consommateurs de porter à dix ans la garantie légale sur tous les biens de consommations, ainsi que les mesures envisagées dans le récent projet de loi québécois contre l’obsolescence programmée.

 

uOttawa

Faculté de droit
Section de droit civil

57, rue Louis-Pasteur
Pavillon Fauteux
Ottawa, Ontario, Canada
K1N 6N5

Synthèse des discussions

par Samuel Despars et Véronique Parent

L’Observatoire pluridisciplinaire sur le devenir du droitprivé a tenu, le 1er février dernier, la troisième table-ronde de sasérie « Repenser les liens juridiques d’une société en transition » surl’allongement de la garantie légale sur les biens de consommation, avec RazmigKeucheyan, Amélie Côté, Gabriel-Arnaud Berthold et Vincent Caron. La tableronde s’est penchée sur l’efficacité de la loi comme levier de changement. Parl’extension de la garantie, l’objet, sa qualité et sa durabilité deviennent lacible des législateurs, mais ceci permet-il un réel changement dans les pratiquesde production et de consommation ? Divers thèmes ont animé les discussions,notamment les effets de la loi sur la souveraineté du consommateur, l'impact detelles mesures sur l'innovation (et la façon dont on conçoit celle-ci) ainsique l'efficacité des garanties quiexistent désormais au Québec.

La Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescenceprogrammée et favorisant la réparabilité et l’entretien des biens, connueégalement sous le nom de la Loi 29, a reçu la sanction royale le 5 octobre2023. Cette loi vient modifier la Loi sur la protection du consommateur (LPC)en établissant notamment une garantie de bon fonctionnement de certains biensneufs (dont la durée pour chaque bien sera prévue par règlement) tels que desappareils électroménagers, des téléviseurs et des ordinateurs. Ceci vients’ajouter aux recours en garantie déjà disponibles pour les consommateurs commeprévu aux articles 37 et suivants de la LPC relativement à la qualité, à ladurabilité et à l’usage normal du bien. Cela s’ajoute également à la garantielégale de qualité prévue à l’article 1726 du Code civil du Québec et à toutegarantie prolongée vendue par le commerçant tel qu’autorisé par l’article 35 dela LPC.

La proposition d’organisations non gouvernementalesfrançaises comme Les Amis de la Terre d'étendre la garantie légale à unepériode de 10 ans pour les biens de consommation confronte les intérêtsindustriels à ceux d’une société devant prendre un virage durable. D’un côté,une garantie de courte durée exacerbe la tendance des consommateurs àabandonner la réparation à l’expiration de la garantie pour opter pour denouveaux produits. De l’autre, les intérêts de la société sont, en principe,davantage privilégiés par une garantie prolongée favorisant la réparation, ladurabilité et la réduction des impacts environnementaux. D’autres propositions,telles que l’introduction des prix d’usage combinée à l’allongement de lagarantie, favoriseraient la souveraineté des consommateurs et une consommationplus durable et éclairée. En effet, un bas prix d’achat peut cacher unemauvaise qualité ou des conditions de production déplorables et des coûtscachés à sa durée de vie limitée, alors que le prix d’usage calculé en fonctionde la durée de vie du produit sera plus élevé afin de révéler ces coûts. Ainsi,l’affichage du prix d’usage comportant des informations sur les conditions deproduction pourrait conduire à une « économie de la fonctionnalité » où l’on vendrait des usages plutôt quedes objets et où l’on donnerait aux consommateurs les moyens de prendre desdécisions informées favorisant du même coup une consommation plus durable[1].

Dans un optimisme général, certains enjeux ont tout de mêmeété soulevés notamment en lien avec l’appauvrissement du marché de laréparation où l’intervention du gouvernement pourrait être nécessaire afin derelancer l’emploi dans ce secteur. À titre d’exemple de l’intervention del’État pour favoriser la réparation, le gouvernement français prévoit un « bonus réparation » afind’encourager les consommateurs à réparer leurs biens et favoriser uneconsommation écologiquement responsable. Cette aide financière, prévue dans la Loianti-gaspillage pour une économie circulaire, est un montant variable déduit directement de la facture chez unréparateur qui vise une trentaine de produits électriques ou électroniquesainsi que le textile et les chaussures[2].  Parallèlement, il a été souligné que la loioctroie un prolongement sur un droit rarement exercé par le consommateur etqui, même si mis en action, ne garantit pas la réparation du bien paropposition à son remplacement intégral. De plus, les garanties complémentairesoffertes par les commerçants complexifient la relation entre le consommateur,le commerçant et le bien en ajoutant un recours de plus dans un environnementjuridique déjà complexe. Laisser le recours applicable lors d’un bris à ladiscrétion du consommateur demeure donc problématique.

Finalement,des pistes de solutions ont été explorées pour renforcer l’efficacité desprotections sur les biens de consommation telles que la production d’unesynthèse de jurisprudence par produit sur la garantie du fabricant, l’indice deréparabilité des biens, l’obligation claire de réparation et une réflexion surla pertinence de l’allongement de la garantie dans une société de service.Ainsi, l’allongement de la garantie légale sur les biens de consommation est lereflet d’une transformation majeure en droit de la consommation qui s’inscritdans une société où les comportements des consommateurs et les pratiques desfabricants doivent évoluer. Dans ce contexte, il est important de favoriserl’accès à l’information sur les changements législatifs et sur les enjeux liésà cette garantie afin que s’opère une réelle transition sociale vers uneconsommation durable.


[1] Razmig Keucheyan (2019). Pour un allongement de la garantie des objets : De lapacotille aux choses qui durent. https://www.monde-diplomatique.fr/2019/09/KEUCHEYAN/60371

[2] Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souverainetéindustrielle et numérique (2024). Bonus réparation : comment ça marche?. https://www.economie.gouv.fr/particuliers/bonus-reparation-comment-ca-marche#

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