Les corps mutants

Cette série de dessins est l'occasion pour moi de réfléchir sur ma pratique du dessin d'après modèle.

Comme je le présente ici, j’ai co-fondé avec Linda DeMorrir (été 2019) l’atelier de dessin Modèle vivant.e.

Depuis, je multiplie les modes d'expression, réalise des performances de dessin (ici ou ), des séries de peintures et collages comme des cartographies improvisées, des dessins ou installations in situ. Pourtant, l’origine et ce qui demeure le centre de gravité de ma pratique est le dessin d’après modèle. Et, régulièrement, je me demande pourquoi...

Ma recherche (MFA Thesis) tente d'apporter une réponse politique : elle porte sur le renouvellement de cette pratique. Elle s'intitule Gender trouble in the Life room. How to transform Life drawing into an emancipatory practice. Je l'ai décliné en performance, roman-photos...

L'atelier de dessin d'après modèle me positionne, je crois, au.x point.s de rencontre du dessin, de la performance et de l’action collective.

"J’étais sot, vraiment, tout à l’heure, de croire que le corps n’était jamais ailleurs, qu’il était un ici irrémédiable et qu’il s’opposait à toute utopie. Mon corps, en fait, il est toujours ailleurs, il est lié à tous les ailleurs du monde, et à vrai dire il est ailleurs que dans le monde."

Michel Foucault - Le corps utopique.

Ma manière de faire tient de la douceur subversive. Autrement dit, j'introduis du jeu et du poétique par une subtile déviation à la norme ou l’attendu. Et j’explore et expérimente la tendresse radicale / ternura radical / radical softness comme moyen de résistance pour reconstruire notre relation aux autres.

Ma pratique privilégie avant tout l’expérimentation et le “faire” : l’atelier de dessin n’est pas seulement un lieu d’exercice et d’entraînement mais un espace indissociable de la pratique elle-même.

Dans ma conduite d’ateliers de dessin, je suis attentive à l’inclusion par le respect / consentement et, plus que cela, l’ouverture à la façon dont chacun.e contribue à la construction d'un corps collectif éphémère, le temps de l’atelier.

Les ateliers sont aussi et surtout un moyen de faire vivre une expérience physique de la générosité.

J’utilise le dispositif classique d’atelier avec modèle et je le transforme pour d’une part renouveler l’expérience de la pose et d’autre part faciliter l’émergence de nouvelles pratiques de dessin d’après modèle : en accompagnant la réflexion de chacun.e sur ce que peuvent être des manières alternatives de poser, l’atelier permet aux personnes qui le souhaitent de “performer” leur.s identité.s en tant que modèle.

L’atelier permet aussi de produire des représentations différentes des corps, inspirées des poses elles-mêmes différentes et/ou en laissant place aux émotions ou encore en mélangeant des pratiques individuelles dans une création collective.

L’expérience collective de l’atelier est transformative. Elle aide à la prise de conscience de chacun.e des possibilités d’émancipation des normes et stéréotypes. Dans le cadre de mon mémoire de recherche et à partir de témoignages et d’expériences subjectives, je développe en particulier les possibilités de trouble dans le genre dans le cadre de l'atelier de dessin.


C’est aussi l’expérience de la puissance de la corporalité et de la douceur que l’on peut insuffler dans le regard porté par les un.e.s sur les autres. Les deux “places”, celle du.de la modèle comme celle de l’artiste correspondent à deux modalités de la générosité. 

Crédits dessins (par ordre d'apparition)

- Mazarine, Atelier Modèle vivant.e, juin 2020

- Linda DeMorrir, Atelier Modèle vivant.e, octobre 2020

- Lucie Camous, Atelier Modèle vivant.e, octobre 2020

- Victor, Atelier Modèle vivant.e, février 2021

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